03/08/2014
À Paris, manifestation pour Gaza : "lisez La Boétie !"
11 500 à 20 000 personnes hier - Manifestation en partie insolite :
Les horreurs à Gaza indignent l'opinion. De Denfert-Rochereau aux Invalides, les manifestants étaient nombreux pour un samedi du mois d'août. Leurs slogans attaquaient la duplicité d'Obama, la docilité de Hollande, et l'attitude de Netanyahu annonçant que Tsahal continue la guerre au delà de son objectif (qui était ''la destruction des tunnels'').
Pour le badaud posté au carrefour de l'avenue de l'Observatoire et du boulevard du Montparnasse, cette manifestation était insolite : pas d'incidents, pas de ''racailles'', pas de banderoles islamistes, présence en force de partis et associations de la gauche française. Et scènes imprévues... Lorsque passe le groupe Génération Palestine (proche de l'Union générale des étudiants de Palestine dont fit partie Yasser Arafat), sur le camion sono une jeune femme en foulard, micro en main, clame dans les haut-parleurs un discours laïque anti-impérialiste ; soudain elle lance : ''Il y a un livre que vous devez tous lire, il a été écrit il y a quatre siècles mais il faut le lire : c'est De la servitude volontaire, son auteur s'appelle La Boétie !''
Etienne de La Boétie, 1530-1563, futur ami de Michel de Montaigne –''parce que c'estoit luy, parce que c'estoit moy''–, écrivit De la servitude volontaire à l'âge de dix-huit ans. (Ce texte de sceptique n'était pas destiné à la publication. Il allait néanmoins être publié après la mort de l'auteur, dans une intention contraire au scepticisme, par le parti des huguenots). Arrêtons-nous sur cette scène inattendue : Amina, Hafisa ou Jamila invitant, coiffée de son foulard gris, quatre ou cinq cents jeunes à courir à la Fnac acheter La Boétie. Ils y liront (en français du XVIe siècle) que seul le consentement des dominés fait la force du dominant : ''ce sont les peuples mesmes qui se laissent ou plustost se font gourmander [rudoyer] puisqu'en cessant de servir ils en seroient quittes'' ! Idée ''prémonitoire'', commente Françoise Bayard (Lyon II) dans sa préface à l'édition savante de 1993*...
Juste derrière le groupe Génération Palestine, marchait un hurluberlu portant un drapeau à croix de Lorraine : nostalgie de la géopolitique gaullienne, dont le dernier éclat fut, sous Chirac, d'envoyer Villepin exhorter l'ONU à ne pas se laisser gourmander (dirait La Boétie) par Washington dans l'affaire d'Irak. Ce fut une victoire française. Quatre ans plus tard, Nicolas Sarkozy ramenait la France dans la servitude américaine. La Boétie l'avait prévu, voilà nos maîtres ''coquinans et mendians la faveur du tyran'' : ''il ne fault pas seullement qu'ilz facent ce qu'il dict mais qu'ilz pensent ce qu'il veult et, souvent, pour luy satisfaire, qu'ils préviennent encores ses pensées. Ce n'est pas tout à eux de luy obéir, il fault encores luy complaire... Cela est-ce vivre heureusement ? Cela s'appelle-t-il vivre ? Est-il au monde rien de plus insupportable que cela ? ''
Sarkozy n'aimait pas La princesse de Clèves. Amina, Hafisa ou Jamila aime Le Discours de la servitude volontaire. Niée par des politiciens ignares, la culture descend dans la rue.
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* Imprimerie Nationale, coll. Acteurs de l'histoire.
12:44 Publié dans Monde arabe, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : gaza
Commentaires
DIALOGUE POSSIBLE ?
> Se pourrait-il que M. Bidar fasse des émules ? En tout cas de passage en France pour quelques jours j'y ai observé les ravages du communautarisme mais aussi les prémisses (frémissements) d'un dialogue possible avec un nombre restreint certes de jeunes musulmans sociologiques sur les questions qui fâchent… (Liberté de conscience, culture de la liberté spirituelle, responsabilité, assimilation/intégration).
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4867074
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Écrit par : iader / | 03/08/2014
LA BOETIE
> Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler qu'Etienne de La Boëtie fut un catholique fort pieux, qui, acteur dans des temps extrêmement troublés de notre histoire, prend le parti du catholicisme comme religion d’État tout en prônant une réforme du catholicisme, compromis qui lui paraît susceptible de catholiques et protestants, le tout sur fond de graves troubles meurtriers en Agenais et en Périgord. Les magistrats catholiques de Bordeaux résistent à la politique de conciliation...
Comme l'indique, fort visionnaire, Jean-Paul Michel à propos du "Rimbaud de la pensée" (le 'Discours de la Servitude Volontaire' fut rédigé alors qu'il n'avait pas encore atteint 18 ans !), dans une préface au "Discours..." en langue originale et texte intégral (éditions "la pharmacie de Platon/William Blake & Co, 1995):
"Ce jeune seigneur a du feu, de l'âme, du style. Je le tiens pour l'un des rares modèles possibles pour des sagesses à venir - puisqu'il faudra bien, quelque jour, sortir du simplisme féroce de ce siècle, et, qui sait, élire une noblesse morale nouvelle, fondée sur le dégoût de la sauvagerie des foules, en un dernier pari sur la beauté d'allure d'un homme qui, en toute circonstances, donne le prix le plus élevé aux vives exigences d'une dignité".
Longtemps, occultant son catholicisme engagé, La Boëtie fut une sorte de petit maître précurseur, un Mozart à la douce musique, que citaient volontiers (entre autres) les anars et les libertaires. Mais c'est partial, incomplet.
Je voudrais juste citer in extenso, le tout dernier paragraphe, conclusif du "Discours...", histoire de témoigner à qui La Boëtie s'en remet en matière de suprême juge et garant de la liberté et de la vertu (les mots "débonnaire" et "libéral" devant être entendus dans leur sens de l'époque):
"Aprenons donc quelque fois, aprenons à bien faire; levons les yeulx vers le ciel ou pour nostre honneur ou pour l'amour mesmes de la vertu, ou certes a parler a bon escient pour l'amour et honneur de Dieu tout puissant , qui est asseuré témoin de nos faits, et iuste iuge de nos fautes. De ma part ie pense bien et ne suis pas trompé, puis quil nest rien si contraire a Dieu tout liberal et debonnaire que la tiranie, quil reserve la bas a part pour les tirans et leurs complices quelque peine particuliere. "
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Écrit par : Aventin / | 03/08/2014
INTÉRESSANT
> Insolite en effet et intéressant. Ça change des islamistes vides. Nostalgie de l'époque des politiques arabes laïques et non-alignés : quand de Gaulle parlait avec Arafat.
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Écrit par : maksoud / | 04/08/2014
LE HAMAS
> à Maksoud - Oui nostalgie : en rappelant que c'est Sharon qui a misé sur le Hamas pour gêner le Fatah et compromettre le mouvement d'instauration palestinien. On voit le résultat.
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Écrit par : Ibelin / | 04/08/2014
FRAPPES
> Je me demande combien de lecteurs de ce blog s'indigneront des frappes militaire d'Israel sur la Palestine quand - un jour - les banlieues françaises se soulèveront ..
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Écrit par : Lukas jean / | 04/08/2014
à Ibelin
> mais oui, bien sûr
bien sûr, bien sûr...
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Écrit par : jean / | 05/08/2014
BOMB GAZA
> tu veux jouer à bombarder les Palestiniens ? va sur Google Play jouer à "Bomb Gaza" : un jeu disponible sur internet !
www.gameblog.fr/news/44739-bomb-gaza-le-jeu-qui-a-fait-polemique-sur-google-play
www.7sur7.be/7s7/fr/4135/Jeux-video/article/detail/1980176/2014/08/04/Le-jeu-Bomb-Gaza-indigne-Twitter.dhtml
Finalement retiré par Google (tiens ?) à la suite de plaintes d'internautes, le but de ce jeu était de bombarder la zone de Gaza "en évitant les civils"
les Jeux du Cirque c'est pour bientôt ?
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Écrit par : E Levavasseur / | 05/08/2014
FRAPPES (2)
> @ Jean Lukas : vous préconisez la destruction des familles immigrées par les Rafale et les chars Leclerc ?
J'ai l'impression que le pape voit les choses autrement.
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Écrit par : maksoud / | 05/08/2014
@ Jean Lukas et E Levavasseur
> De toute façon, nos Rafale et nos Leclerc ne seront rapidement plus disponibles pour ces tâches de "police" : ils vont bientôt affronter les forces armées russes (lol)…
Plus sérieusement : sur les possibilités d'intégration des populations musulmanes, je ne peux que recommander les bouquins de Jean-François Chemain, ancien cadre dirigeant devenu prof d'histoire en ZEP, dans la banlieue lyonnaise.
Ce qu'il préconise, à la fin de "Une autre histoire de la laïcité" : intégrer DE FORCE (c'est moi qui souligne) l'Islam de France dans un cadre chrétien.
Reste à savoir comment s'y prendre…La seule chose qui est certaine, c'est que seul un pouvoir politique fort (je dirais même... très fort) pourra se lancer dans une telle entreprise.
Entreprise qui supposera, quelque part, de (re)faire du catholicisme une religion d'Etat, bien évidemment selon des modalités inédites.
Feld
[ PP à F. - À côté de ça, 'Gulliver' fait figure de roman réaliste... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Feld / | 06/08/2014
@ Feld
> nos avions ont déjà du mal à tenir en l'air faute de crédits (encore un qui s'est écrasé en Provence - pilotes et gens au sol sains et saufs)
si l'on envoie nos soldats faire la guerre pour Wall Street contre les Russes, il faudra dire merde et entonner "Johnny, I Hardly Knew Ya".
(intéressant de se pencher sur la politique menée par le parlement de Dublin début 19e : il vendait l’Irlande à Londres comme l’UE nous vend aux Etats-Unis aujourd’hui)
pour ce qui est d'intégrer de force (?).... ça me consterne
ce qu'on peut et qu'on a le droit de faire c'est dire : ceux qui ne veulent pas s'intégrer doivent partir et les faire partir car ils emmerdent tout le monde, à commencer par les immigrés qui veulent devenir français. Ensuite se consacrer à ceux qui veulent jouer le jeu (et ce n'est pas ça qui manque !)
Mais pour cela il faut d'abord proposer effectivement la culture française !
et pour la leur proposer, il faut arrêter de dire que la France c'est nul, il faut être soi-même de culture française* , faire en sorte que la culture française soit omniprésente en France (c'est la moindre des choses !), une culture vécue aussi paisiblement que sans complexe.
Cette culture française est connue pour être particulièrement centrée sur la Raison, le partage et la recherche du Beau.
La raison est une "des deux ailes (avec la foi) qui fait monter vers Dieu", la Beauté, c'est le visage de Dieu, le Partage c'est le mot profane de charité chrétienne.
C'est-à-dire qu'en "pratiquant la culture française" non seulement on dit merde au matérialisme mercantile de la sous-culture libérale mais on « prépare les chemins du Seigneur » par le renouveau d’ue culture caractérisée par la recherche du Partage, de la Beauté, de la Raison, choses qui sont englobées dans la foi.
C'est vrai pour toutes les cultures (qui toutes cherchent le Beau, à s'organiser au mieux etc.) mais ça l'est particulièrement pour les cultures latines et la culture française en particulier, du fait de son héritage gréco-romain et de son imprégnation chrétienne (qu'on le veuille ou non !)
Mais l'exemple est donné par des gens qui ne sont pas culturellement français (nos classes politique et médiatique), qui se lancent en politique pour être aimés et non parce qu'ils aiment les français.
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Écrit par : E Levavasseur / | 06/08/2014
ATHÉES
> Intégrer de force ? Religion d'Etat ? Une idée d'athées pieux. On les entend un peu trop depuis l'an dernier.
Qu'ils commencent par se documenter sur la religion chrétienne.
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Écrit par : bernard gui / | 06/08/2014
JF CHEMAIN
> J'ai peut-être, involontairement, caricaturé la pensée de JF Chemain.
je le cite (op cit, p 221) :
"En définitive la laïcité ce serait de conserver le système qui existe et fonctionne en France depuis 1905. Celui-ci a été astucieusement amélioré par la possibilité de déduit de ses impôts 2/3 de ses dons aux institutions religieuses, ce qui constitue une façon élégante de leur permettre de vivre et, en ce qui concerne la seule Eglise catholique, de voir un peu réparés les dommages qui lui ont été infligés au cours de l'histoire. La laïcité, ce serait juste un peu plus de respect pour les religions, et l'Eglise catholique en particulier, de la part du personnel politique et des médias, même s'ils ne sont pas toujours d'accord avec elles. La laïcité, ce serait d'avoir la cohérence intellectuelle de dire ce que nos valeurs républicaines doivent au christianisme. Ce serait enfin d'avoir le courage de permettre à l'islam de s'intégrer dans ce cadre défini par le catholicisme, même s'il faut pour cela lui forcer la main, comme on a si bien su le faire à diverses époques envers les catholiques eux-mêmes. Rien, en somme, que nous ne saurions faire."
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Écrit par : Feld / | 11/08/2014
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